En Grèce en train, bateau et camping-car
Lors d’un dîner familial en 2022, mon fils de 13 ans nous dit qu’il veut aller en Grèce. Son frère, sa mère et moi lui demandons pourquoi ou ce qu’il veut y faire: aucune idée, il veut juste y aller. Je soupçonne qu’il vient de voir une vidéo d’un de ses influenceurs préférés, ou veut trouver une raison de prendre l’avion, ou les deux, mais je le garde pour moi.
En 2023, des amis (Alexis et Julie se reconnaîtront) me parlent de leur voyage en Grèce où ils sont allés entre autres voir les Meteora, ces monastères grecs bâtis sur des pitons rocheux.Du coup, moi aussi je veux aller en Grèce.
Julie me donne l’astuce d’Interrail, qui permet de voyager à volonté non seulement sur les trains en Europe, mais aussi sur les bateaux en Grèce grâce à l’option Îles Grecques. Seulement voilà, le fils de 14 ans à présent se fiche d’aller en Grèce, sauf si on y voyage en camping-car. Nous avons donc besoin d’aller à Athènes tout au sud pour pouvoir le louer, et nous resterons sur le continent où se trouvent aussi les Meteora.
Je confie la planification et la réservation des déplacements à Simple Train. Le voyage aller s’effectuera sur deux jours en train et en bateau de nuit. Le voyage retour ne sera qu’une grosse journée car les horaires s’enfilent comme des perles.
Nous partons donc de Zürich l’après-midi du lundi 22 avril 2024. Le train pour Milan passe au-dessus du Gothard (le tunnel de base est toujours fermé) où malgré le rallongement d’une heure, nous passons comme à chaque fois d’une fenêtre à l’autre au fur et à mesure que le train fait des torticolis autour de l’église de Wassen. Une fois dans le train de nuit pour Bari, nous avons deux cabines communicantes et une douzaine de visites du chef de wagon dans la première demi-heure qui nous apporte des pantoufles pour madame, des pantoufles pour messieurs, des bouteilles d’eau pétillantes, des bouteilles d’eau non pétillantes, etc pour enfin contrôler les billets.
Arrivés à l’aube à Bari, nous devons attendre le départ du bateau en fin d’après-midi, ce qui m’avait semblé une perte de temps. C’est devenu tout le contraire: nous avons laissé les valises au service de gardiennage à la gare, et puisque nous étions forcés, avons pris le temps de flâner dans les ruelles de Bari Vecchia avant l’invasion de touristes vers midi, de visiter le château souabe et de déjeuner copieusement dans un restaurant de rue tout simple à prix ridicule selon nos habitudes suisses.
Nous sommes évidemment largement à l’heure à l’embarquement du bateau, c’est-à-dire 3h avant comme demandé sur les billets. Il faut tout de même traverser des parkings immenses de conteneurs, et c’est une fois arrivés sur le bateau et mis les valises dans la cabine, que nous pouvons observer l’impressionnant chargement au ras de douzaines de semi-remorques – ah qu’est-ce qu’ils sont serrés au fond de cette coque, comme des sardines. Le bateau est surtout un ferry à camions, avec un petit espace pour les touristes et le tiers du restaurant réservé pour les conducteurs. Je n’ai toujours pas fait le calcul de l’empreinte carbone, car certes une fumée bien noire émanait de la cheminée du bateau, mais je pense que dans ce cas, le poids des passagers et leur infrastructure est minoritaire par rapport à celui des camions et leur marchandises. Par contre, la cafétéria plombe l’empreinte carbone avec de la viande à souhait et presque rien de végétarien.
La bâteau s’arrête tôt le matin à Ηγουμενίτσα (Igoumenitsa), que nous ne voyons pas car nous dormons encore. Nous sortons du bateau à Πάτρα (Patras) à 13h. Petit trou dans la chaîne de transports, le port est le long d’une route à voitures à quelques kilomètres de la gare. Nous commençons à chercher un bus de ville mais nous nous laissons attraper par un taxi qui nous y amène rapidement pour le prix d’un billet en euros bleu. Nous apprenons à la gare que le train a été remplacé par un bus depuis une décennie: il part effectivement de la gare, simplement du côté route plutôt que du côté train. J’en profite pour repérer où nous prendrons le bus de ville pour le retour. Premier déjeuner dans un restaurant grec, puis nous prenons le bus pour Κιάτο (Kiato). De là, nous sommes dans un train similaire aux trains régionaux suisses, qui se remplit au fur et à mesure que nous approchons Αθήνα (Athènes), ce qui pour le coup est moins dépaysant.
Nous restons à Athènes deux nuits, marchons un peu (ou beaucoup selon certains) et prenons le métro de temps en temps. C’est assez facile, à condition de vite s’habituer à lire l’alphabet grec car tout n’est pas toujours transcrit en alphabet latin. Au passage, nous dînons une fois à Veganaki, un restaurant vegan proposant des spécialités grecques aussi bonnes que les carnées.
Nous prenons le métro le jeudi pour aller près de l’aéroport où se trouve le camping-car, d’où le loueur vient nous chercher. Je passe rapidement sur le cœur de notre voyage, qui en reste l’essentiel. A côté de grands sites comme Delphi ou les Meteora, ceux qui nous ont le plus marqué sont d’autres moins connus que précisément le camping-car nous a permis d’atteindre: le site archéologique de Πύδνα dont le gardien nous a fait une visite guidée express en gloubi-boulga allemand-anglais; la plage de Παραλία avant son ouverture aux touristes; et surtout la visite d’une amie de ma femme entrée dans un monastère près de Θεσσαλονίκη il y a plus de vingt ans. Le camping-car était un bon choix pour le voyage: nous n’avons pas été restreints par des largeurs de route (sans aller dans la cambrousse lointaine non plus); nous avons pas mal roulé mais rarement plus de 4h de route par jour, et les passagers à l’arrière n’ont pas eu à trop s’ennuyer ou attraper le mal de route; nous nous sommes garés trois fois dans des campings prévus à cet effet sans avoir à s’inquiéter de si il y aurait de la place; et avons passé trois autres nuits au bord d’une route ou d’une plage, en autonomie pour manger et dormir. L’enthousiasme des enfants qui se sont attelés aux repas était un bonus fort apprécié.
Le retour commence sur les chapeaux de roue. J’avais commandé au loueur une navette pour nous amener assez tôt à la station de métro, pour arriver assez tôt à la gare et prendre notre train pour Κιάτο. Personne le matin chez le loueur, et nous n’avons aucun téléphone qui marchait: Sunrise a bloqué pour une raison encore inconnue les appels de l’étranger du mien, malgré le forfait adéquat; celui de mon fils est tombé en panne définitive au début du voyage; et ma femme a laissé le sien en Suisse. Par chance, le même employé qu’à l’aller arrive au travail, et nous arrivons à franchir la barrière de la langue pour qu’il nous ramène illico presto.
Une fois dans le métro, je me rends compte que je n’avais pas pris en compte le décalage horaire d’une heure en planifiant les trajets, et que nous arriverons à la gare d’Athènes trop tard. Au guichet, je comprends qu’un autre train part une heure plus tard, par contre le bus qui continue à Πάτρα ne partira lui qu’encore une heure plus tard. Pas grave, nous n’aurons pas 3h d’avance pour l’embarquement du bateau cette fois-çi. Arrivés à Πάτρα, le bus de ville était coincé dans les embouteillages juste derrière nous, ce qui nous a permis de l’attraper et d’arriver au port rapidement.
Le bateau part en retard, à peine demi-plein de semi-remorques cette fois. Le lendemain matin, nous avons encore plus de retard car le chargement au ras à Ηγουμενίτσα a aussi pris du retard. Nous arrivons au port de Bari, puis à la gare de Bari, avec notre train rapide pour Milan déjà parti. Je rachète des nouveaux billets au prix fort pour le même train une heure plus tard.
Le train prend du retard pendant son voyage, et la question devient si nous arriverons à Milan pour prendre le dernier train pour Zürich, ou s’il va falloir rester à un hôtel et perdre la validité du billet pour les trains suisses. Nous arrivons 15 minutes avant ce dernier départ, courons au train suisse, et sommes bloqués par une grande file d’attente: les italiens contrôlent les passeports. Heureusement, 5 minutes avant, ils se retirent et laissent tout le monde passer, peut-être car il s’agit du dernier train? Le train suisse prend lui aussi du retard, mais la connexion à Lugano nous a attendu. Fin du voyage sans histoire et nous dormons effectivement dans nos lits ce soir là.
La prochaine fois:
- Je prévois de rester en Italie une nuit de plus. Cette fois-çi, ça aurait pu être à Parme ou à Milan. Le stress de rater une connexion après l’autre a vraiment gâché l’ambiance, et si on ne peut pas prendre le temps, ce n’est pas des vacances.
- Je prendrais des billets remboursables ou échangeables. Les nouveaux billets à Bari ont coûté presque autant que l’aller-retour en avion nous aurait coûté. Malgré cela, le coût du voyage (nuits en train et bateau incluses) a été moindre que la location du camping-car.
Les photos de notre voyage restent un peu irréelles. C’est difficile à croire que nous étions si loin – et nous sommes fiers de l’avoir fait avec une contribution bien moindre à l’enfer climatique que si nous étions allés en avion.